Depuis des siècles, la vie du village est rythmée par cette rivière qui,
paisible en été, étonne au printemps par la vigueur de ses crues et perturbe la
vie des habitants pendant quelques jours.
Laissey se trouve dans l'une des plus belles parties de la Vallée du Doubs,
entre Baume-les-Dames et Besançon, là où elle est la plus resserrée et
encaissée.
Arrivant du village de Douvot en ligne droite, le Doubs entame un virage à
gauche à son arrivée à Laissey à un premier barrage. A cet endroit, moins de
300 mètres séparent les deux versants. Et pourtant, une voie ferrée, une
route, une rivière et une demeure y prennent place !
Puis, le Doubs enserre le village dans une boucle avant de repartir en ligne
droite vers Deluz tout en franchissant un second barrage. Moins refermée que la
fameuse boucle de Besançon, elle n'en reste pas moins saisissante vue du ciel.
De tout temps, le Doubs a eu et a toujours une influence sur Laissey. Ses crues,
aussi importantes que soudaines, transforment pour quelques jours la vie des
habitants, deux routes d'accès au village sur les quatre existantes étant coupées
et quelques caves étant inondées. Elles contrastent avec le caractère paisible
et nonchalant de la rivière en été, période où de nombreux citadins viennent y
rechercher la fraîcheur et les pêcheurs s'adonner à leur passion.
Mais, le Doubs sait aussi être généreux et offrir ses services aux hommes. La
transformation de l'eau en un mouvement mécanique permit à un moulin puis à un
atelier de tissage de s'installer sur l'actuel emplacement de l'usine Bost.
Cette dernière occupa le site pour les mêmes raisons. Bénéficiant de la présence
du barrage amont, elle installa une centrale hydroélectrique qui lui permit de
subvenir à une partie de sa consommation jusqu'à la fin des années 1980. Depuis,
appartenant à un producteur privé et modernisée, elle produit toujours du
courant électrique qui est revendu à EDF.
Affiche du 13 octobre 1828.
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Entre 1810 et 1830, de grands travaux sont entrepris afin de rendre navigable
le Doubs. C'est la construction du canal du Rhône au Rhin dit canal Napoléon
puis canal Monsieur en l'honneur du futur Charles X.
Les travaux de terrassement sont réalisés en partie par des prisonniers de
guerre espagnols.
Le canal est modernisé entre 1882 et 1921 et mis au gabarit Freycinet pour
accueillir des péniches de 38,50 mètres de long avec une capacité de
350 tonnes.
Conjuguée à la mise en service de la ligne ferroviaire de Dijon à Mulhouse en
1858, ces équipements propulsent le village de Laissey dans l'ère de la
Révolution industrielle en facilitant le transport des personnes et des
marchandises et permet à des entreprises de s'installer et de prospérer en
écoulant leurs biens au-delà de la région (minerais de fer, textiles puis
outillages à main).
En 1847, le canal est complété par un chemin de halage sur la rive droite du
Doubs construit par l'administration du canal du Rhône au Rhin.
En effet, bien avant l'invention et la généralisation des moteurs rendant les
péniches autonomes, elles devaient être tractées ou halées pour se mouvoir. D'où
la nécessité de créer au bord des rivières un chemin carrossable.
Trois modes de halage étaient possibles :
par la seule force humaine à une vitesse de 700 à 800 m/h (halage à la
« bricole »).
par traction animale avec des chevaux, des ânes, des mulets ou des bœufs à
une vitesse de 2 km/h.
par traction mécanique avec des tracteurs essence ou diesel (souvent de
marque Latil) au cours du XXème siècle.
Faute de vents en quantité suffisante et à la présence d'éléments d'architecture
(écluses, tunnels et ponts), l'usage de voiles n'était pas envisageable.
En gestation depuis les années 1950, la mise à grand gabarit du canal du Rhône
au Rhin est décidée en 1976.
Fort heureusement, ce projet dément, comme le surnommait ses opposants, est
abandonné en 1997. Il aurait permis la navigation de convois poussés de
4 500 tonnes comme sur le Rhin (gabarit dit "grand Rhénan").
La construction d'un barrage d'une hauteur de 10 mètres avant l'usine Bost
aurait condamné l'ensemble du village d'Ougney-Douvot qui se serait retrouvé
sous les eaux.
Même le cimetière aurait fait les frais de ces aménagements grandioses. Enfin,
« p'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non », aucune grosse tête
n'ayant jamais pu apporter une réponse concrète à cette question !
Les barrages et les écluses n° 44 et 45
Suite à la construction du canal du Rhône au Rhin, Laissey se trouve encadré par
deux barrages avec chacun une écluse permettant aux péniches et aux bateaux de
plaisance de passer d'un niveau à un autre :
l'écluse de Laissey n° 44 située à l'entrée du village, côté Douvot ;
l'écluse d'Aigremont n° 45 située à la sortie du village, côté Deluz.
Actionnées manuellement par un éclusier (le dernier fut Hubert Canet), elles
sont automatisées depuis les années 1990. Les bateliers et les plaisanciers
disposent désormais d'une télécommande pour enclencher depuis leur bâteau le
processus d'éclusage.
L'écluse d'Aigremont n° 45, côté Deluz, est réputée pour ses forts courants
et fait la joie des kayakistes et même des surfeurs, le spot étant accessible
dès la survenue d'une petite crue.
En juin 1980, elle fut le théâtre d'un événement peu banal. Remontant le Doubs
qui était à niveau exceptionnellement élevé pour cette période, la péniche
Ray-Ma arriva péniblement à se mettre à l'abri dans l'écluse. Le
batelier, trop sûr de lui, n'écouta pas les conseils de l'éclusier et décida de
sortir en direction de Laissey. Lourdement chargée par du charbon, la faible
puissance du moteur de la péniche ne lui permit pas d'affronter le fort courant.
Partie à la dérive, elle se retrouva en appui le long du barrage, passa
par-dessus et s'échoua cent mètres plus loin, une voie d'eau dans sa coque.
Son chargement sera transféré sur des barges et la voie d'eau sera colmatée sur
place par des scaphandriers. Puis, la péniche sera renflouée et remorquée vers
le chantier naval de Illzach pour être réparée.
Construite en 1966, elle s'appellera successivement Ray-Ma, puis Saint-Helier et
enfin Priscilla. Toujours en activité, elle porte aujourd'hui les
immatriculations Li9866F et 01821226.
Si les étiages peuvent être sévères en période estivale, le Doubs connaît chaque
année en moyenne vallée des crues dites de plaine, lentes (par opposition aux
crues dites torrentielles, rapides). Elles ont le plus souvent lieu dans une
période très large de septembre à fin mai, mais il arrive, de manière
exceptionnelle, qu'un caprice de la nature ait lieu en plein été, certes mal
nommé dans ce cas. Elles ont deux origines, parfois concomitantes : soit des
pluies longues qui saturent les sols, soit des pluies liées à un redoux et qui
participent à la fonte du manteau neigeux sur les plateaux.
La crue la plus importante fut celle de janvier 1910 avec une cote maximale de
9,57 mètres atteinte à Besançon le vendredi 21 janvier à deux heures du
matin. Ce fut la crue du siècle ou des siècles, jamais une telle cote n'ayant
été mesurée auparavant et depuis lors. Elle a servi de référence à
l'établissement des plans des surfaces submersibles (P.S.S.) du Doubs qui
constituait la servitude d'inondabilité en vigueur jusqu'à l'instauration du
plan de prévention des risques d'inondations (P.P.R.I.).
À Laissey, elle provoqua 2 000 francs de préjudices aux agriculteurs,
75 000 francs de dégâts à l'usine Bost et mis 175 ouvriers au chômage
technique pendant quinze jours. Un dénommé Alexandre Courtot, âgé et sans aucune
ressource avec deux enfants majeurs et infirmes, perdit tout son mobilier.
D'autres crues historiques se sont produites depuis, notamment celle de janvier
1955 avec une cote maximale de 7,45 mètres atteinte à Besançon le vendredi
14 janvier à trois heures trente du matin. Ainsi que celle de mai 1983 due à des
précipitations quasi permanentes de début mars à fin mai.
La crue de février 1990
La crue qui marqua les esprits et dont on parle encore fut celle du 16 au 20
février 1990. Qualifiée, à tort, de crue du siècle, elle est cependant la
deuxième crue après celle de janvier 1910 de par son ampleur et certainement la
première pour le montant total des dégâts occasionnés aux communes touchées :
1,2 milliard de francs, soit 183 millions d'euros. Une pluviométrie
importante et la fonte d'un important manteau neigeux sur les plateaux du
Haut-Doubs expliquent l'importance du phénomène. Accentué, selon certaines
rumeurs, par des lâchers d'eau des barrages franco-suisses du Châtelot et du
Refrain afin d'éviter des dommages à leurs installations.
A Laissey, au matin du vendredi 16, l'eau monta à un niveau exceptionnel et,
plus stupéfiant encore, en un temps record. En une heure, l'usine Bost fut
sévèrement touchée, l'eau ayant envahi l'ensemble des ateliers jusqu'à une
hauteur d'un mètre dans certains endroits. Grâce au travail et à l'implication
des équipes de maintenance, de certains responsables et d'ouvriers, aucun
chômage technique ne fut instauré et une partie de la production put redémarrer
dès le lundi matin.
La pêche
Rivière de 1ère catégorie dans le Haut-Doubs et de
2ème catégorie dans la vallée, le Doubs est un haut lieu de la
pêche en France et en Europe. Il n'est pas rare que des pêcheurs Allemands
plantent leurs tentes sur les bords de la rivière et y passent un week-end tout
entier.
Si aujourd'hui la pêche sportive a pris le dessus sur la pêche alimentaire, le
Doubs regorge de nombreuses espèces de poissons endémiques ou introduites et la
capture de très gros spécimens est fréquente :
carpe.
brochet.
sandre doré européen (Sander lucioperca).
truite fario (Salmo trutta fario).
truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss).
truite mouchetée (Salvelinus fontinalis) également appelée saumon de fontaine ou omble de fontaine.
omble chevalier (Salvelinus alpinus).
cristivomer (Salvelinus namaycush) également appelé omble du Canada, truite grise, truite du lac ou touladi.
ombre ou ombre commun (Thymallus thymallus).
corégone.
Achigan à grande bouche (Micropterus salmoides) également appelé black-bass, perche truitée ou perche noire.
écrevisses des torrents, à pattes rouges, à pattes blanches ou à pattes grêles.
Tout comme ce n'est pas la Seine qui coule géographiquement à Paris, mais
l'Yonne, la question mérite également d'être posée pour le Doubs qui,
soi-disant, se jette dans la Saône à Verdun-sur-le-Doubs (Saône et Loire).
Selon la définition de la confluence, le cours d'eau entrant avec le plus fort
débit annuel donne son nom au cours d'eau issu de cette confluence. Ce ne serait
donc pas le Doubs qui se jetterait dans la Saône, mais le contraire. Et, par
extension, ce serait donc le Doubs qui se jetterait dans le Rhône à Lyon.
Un confluent ou point de confluence est un lieu où se rejoignent plusieurs
cours d'eau.
En effet, il apparaît que le débit moyen du Doubs est supérieur à celui de la
Saône à leur confluence : 175 m3/s pour
160 m3/s.
D'ailleurs, la Saône est appelée Petite Saône avant Verdun-sur-le-Doubs et sa
réunion avec le Doubs forme la Grande Saône, ce qui montre bien la contribution
importante de la rivière franc-comtoise, notamment en période de crue. Et puis,
on parle bien de Verdun-sur-le-Doubs et non pas de Verdun-sur-la-Saône !
Cependant, contrairement à la Seine, la Saône garde pour elle une taille de
bassin versant supérieure avec 11 500 km2 contre
7 500 km2 pour le Doubs.
Non contente de s'être faite dépossédée de notre capitale régionale Besançon au
profit de Dijon, voilà également que notre belle région, la Franche-Comté, s'est
également faite usurpée le nom de sa rivière principale !