Mode de transport dominant avant d'être supplanté par l'automobile puis par
l'aviation dans les années 1950, le chemin de fer fit de Laissey le point
central du canton de Roulans pendant près d'un siècle.
Construite dans les années 1850, la ligne ferroviaire de Dijon à Mulhouse
propulsa le village dans l'ère de la révolution industrielle en facilitant le
transport des personnes et des marchandises.
Elle permit à des entreprises de s'installer et de prospérer en écoulant leurs
marchandises au-delà de la région (minerais de fer, textiles puis outillages à
main) tout en bénéficiant de l'arrivée d'une main d'œuvre étrangère.
De ce passé prestigieux, il ne subsiste aujourd'hui qu'une gare fermée où
s'arrêtent quelques trains régionaux et une halle à marchandises reconvertie en
salle polyvalente...
Bien que les débuts du chemin de fer tel que nous le connaissons aujourd'hui se
situent dans les années 1820 en Angleterre, les prémices du transport
ferroviaire remontent bien avant cette période. Bien évidemment, il n'était pas
encore question de traction mécanique et encore moins de rails en acier.
Au VIème siècle avant Jésus-Christ, les Grecs utilisèrent un système
de chemins guidés, comme pour celui du diolkos. Il s'agissait d'ornières
creusées dans la pierre et servant de guides. Les navires traversaient ainsi
l'isthme de Corinthe par la voie terrestre sur des chariots tirés par des
esclaves et par des bêtes de somme et évitaient ainsi un dangereux périple
autour de la péninsule du Péloponnèse.
Au premier siècle de notre ère, les Romains utilisèrent le même principe et
construisirent des voies constituées de pierres entaillées, les chariots étant
tractés par des chevaux.
Tombés en désuétude, les transports guidés réapparurent en Europe au cours du
XVIème siècle pour améliorer l'exploitation des mines de charbon.
Poussés par des hommes ou tirés par des chevaux, les wagonnets roulaient sur des
rails de bois. Mais, leur usure rapide et le besoin de transporter des charges
de plus en plus lourdes conduisirent à les remplacer par des rails de fonte puis
d'acier.
Le 26 juillet 1803, l'ingénieur anglais William Jessop ouvrit la première ligne
de chemin de fer du monde accessible aux voyageurs, la Surrey Iron
Railway, qui reliait les villes de Wandworth à Croydon dans le sud de
Londres. Les wagons étaient toujours tirés par des chevaux.
La Fusée de
G. Stephenson.
Dès 1804, des tentatives de réalisation de locomotives à vapeur furent
entreprises. Mais, elles se soldèrent toutes par des échecs, les machines étant
trop lourdes, peu maniables et d'une autonomie ridicule.
Ce n'est véritablement que dans les années 1820 que les premières locomotives
à vapeur réellement utilisables firent leur apparition grâce notamment aux
travaux du célèbre ingénieur anglais George Stephenson. Il eut l'idée d'associer
deux inventions existantes :
la chaudière tubulaire, inventée par Marc Seguin en 1826 et avec qui il eut de nombreux échanges ;
l'injection dans la cheminée de la vapeur d'échappement, idée de Richard
Trevithick, permettant d'améliorer le tirage et donc la puissance.
Et, le 15 septembre 1830, sa plus fameuse création, la Fusée (the
Rocket) tracta vaillamment un convoi de voyageurs entre Liverpool et
Manchester à la vitesse diabolique de 40 km/h, célébrant ainsi avec succès
l'ouverture de la première ligne voyageur à traction vapeur, la Liverpool and
Manchester Railway. La journée fut malheureusement endeuillée par la mort du
député William Huskisson, percuté par la locomotive, et démontrant déjà les
dangers de ce nouveau mode de transport.
En Europe continentale, la première ligne de chemin de fer fut ouverte en 1827
entre Saint-Etienne et le port d'Andrézieux sur la Loire par la Compagnie du
chemin de fer de Saint-Etienne à la Loire. Destinée tout d'abord au
transport de la houille, elle fut ouverte aux voyageurs à partir de 1832. Mais,
les convois étant toujours à traction chevaline, le titre de première ligne
voyageur à vapeur du continent revient à la Belgique avec la mise en service le
5 mai 1835 par les Chemins de fer de l'État belge d'une liaison
entre les villes de Bruxelles et de Malines. C'est aussi la première à proposer
des horaires fixes et des billets pour trois classes de confort.
La grande aventure du transport ferroviaire débuta et les projets de
construction éclorent partout en Europe jusqu'à l'aube de la Première Guerre
mondiale. Après 1918, le chemin de fer retrouva un second souffle en se
développant dans la construction de nombreuses lignes secondaires.
Court répit ! Car, comme toute nouvelle technologie rend rapidement obsolète
celle qu'elle remplace, l'arrivée et la démocratisation de l'automobile et de
l'aviation dans les années 1950 concurrencèrent vivement le chemin de fer sur
les courtes et les longues distances. Seules les préoccupations
environnementales et les avantages des trains à grandes vitesses semblent
aujourd'hui recréer un regain d'attractivité pour le transport ferroviaire.
En facilitant le transport des personnes et des marchandises, en raccourcissant
les distances et les temps de parcours comme aucun autre mode de transport avant
lui, le chemin de fer fut un acteur majeur de la révolution industrielle qui
affecta profondément l'agriculture, l'économie, la politique, la société et
l'environnement des villes et des campagnes.
De la Charte des chemins de fer à la SNCF
À partir des années 1830, de grands chantiers de construction de lignes
ferroviaires sont lancés dans toute l'Europe. La majeure partie est financée
par des investissements privés et par la folle expansion boursière des années
1840, appelée notamment la "Railway mania" en Angleterre. En 1845, cette
dernière compte ainsi 5000 km de lignes, la moitié du kilométrage du réseau
ferré européen.
En France, le retard sur les autres pays est très important. A la fin de l'année
1841, seuls 319 km sont exploités contre 5800 km pour les États-Unis.
En outre, aucune politique globale n'est définie tant sur l'aménagement du
réseau que sur son exploitation.
Mais, la Charte des chemins de fer du 11 juin 1842 marque un tournant dans le
développement du transport ferroviaire en France. Elle instaure un partenariat
public-privé dans la construction et l'exploitation des infrastructures. Ainsi,
les terrains, les bâtiments et les ouvrages d'art seront financés par l'État.
Tandis que l'achat du matériel, les frais d'exploitation et d'entretien
resteront à la charge des compagnies publiques ou privées auxquelles les lignes
seront concédées pour une période donnée, en général quarante ans.
Cependant, la pose des voies reste bien à la charge des compagnies.
Malicieusement, grâce à l'utilisation d'un effet de sémantique, la loi précise
que l'État doit construire les infrastructures et le concessionnaire les
superstructures. Dans les faits et par faute de moyens financiers, l'État a
plutôt cédé à des concessions complètes, laissant ainsi aux compagnies la
construction et l'exploitation commerciale des lignes créées.
En 1851, le réseau français rattrape (un peu) son retard et compte 3500 km
de lignes exploitées par vingt-sept compagnies. En 1870, il représentera
15 600 km de voies contre 20 000 km pour l'Allemagne et
24 900 km pour l'Angleterre.
A son arrivée au pouvoir, Napoléon III comprend tout l'intérêt du chemin de fer
pour le développement économique de la France et le bien-fondé de cette charte.
Les vingt-sept compagnies qui composent le paysage ferroviaire français ne sont
pas toujours en bonne santé financière, parfois proche de la faillite, et n'ont
souvent pas les moyens de se développer et de pérenniser leurs activités. Dans
un souci de cohésion territoriale, le gouvernement impérial décide alors de
créer six nouvelles compagnies en fusionnant les nombreuses concessions
existantes. Elles sont toutes chargées d'exploiter un axe de liaison majeur
entre les grandes villes du pays :
la Compagnie des chemins de fer du Nord (Nord) : Paris - Lille ;
la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest (CF de l'Ouest) : Paris -
Rouen - Le Havre ;
la Compagnie des chemins de fer de l'Est (Est), qui sera amputée en 1871
de sa partie alsacienne et mosellane : Paris - Strasbourg ;
la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO) : Paris -
Orléans - Bordeaux ;
La Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée ou
Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) : Paris - Lyon - Marseille ;
la Compagnie des chemins de fer du Midi (Midi), la seule n'ayant pas un
accès direct à la capitale : Bordeaux - Toulouse - Perpignan.
Cliquez pour agrandir
la carte.
Suite à la faillite de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, l'État
rachète la société le 18 novembre 1908 et la fusionne avec différentes
compagnies défaillantes qu'il a acquises depuis 1878 sous le nom de
l'Administration des chemins de fer de l'État ou Réseau de l'État
(État).
Le 19 juin 1919, il crée l'Administration des chemins de fer d'Alsace et
de Lorraine (AL) pour gérer le réseau ferroviaire d'Alsace-Lorraine, régions
réintégrées à la France suite à la victoire de la Première Guerre mondiale.
Bizarrement, l'Est ne demandera pas à récupérer cette zone initialement dans son
giron. Peut-être par peur des frais à engager pour remettre le réseau en état de
fonctionner suite aux nombreux dégâts occasionnés par le conflit ? Ou, plus
simplement, par la volonté de l'État français de reprendre intégralement en main
l'administration de cette partie du pays et de la refranciser coûte que coûte
après cinquante années d'influence allemande.
Dès 1920, toutes les compagnies sont déficitaires, concurrencées par l'arrivée
de l'automobile. 10 000 km de lignes secondaires sont supprimées et
remplacées par des services en autocars. En 1936, leurs dettes globales
s'élèvent à 37 milliards de francs. Incapables de s'en sortir seules, la
Société nationale des chemins de fer français (SNCF) est créée le
31 août 1937 par absorption des différentes compagnies privées
existantes à l'époque : Nord, État, Est, AL, PO, PLM, Midi, Syndicat du
Chemin de fer de Grande Ceinture et Syndicat du Chemin de fer de Petite
Ceinture. Le 1er janvier 1938, l'ensemble du réseau
ferré français passe sous l'autorité de la SNCF.
L'entreprise est alors une société anonyme d'économie mixte, l'État possédant
51 % du capital et les 49 % restants appartenant aux actionnaires des
anciennes compagnies (groupe Rothschild, ...). La nationalisation totale
n'interviendra que le 1er janvier 1983 avec l'entrée en vigueur de la
Loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI).
En 1995, la directive européenne 91/44012 relative au développement de chemins
de fer communautaires vise à permettre une ouverture à la concurrence en
séparant la gestion de l'infrastructure de l'exploitation. La SNCF est donc
séparée en deux entités indépendantes en 1997 :
à la SNCF, le transport des marchandises et des voyageurs ;
à Réseau ferré de France (RFF), l'exploitation, l'entretien et la
construction des voies ferrées.
Bien qu'elle ait permis l'arrivée d'opérateurs privés (Euro Cargo Rail, Veolia
Transport, VFLI, ...), cette directive est néanmoins très décriée et de nombreux
pays tendent à refusionner l'ensemble de ces activités sous une même entité
juridique.
En 2014, c'est chose faite. Adoptée par le Sénat et l'Assemblée Nationale, la
loi du 4 août 2014 met fin à la séparation entre la SNCF et Réseau ferré de
France.
Au 1er janvier 2015, deux nouvelles entreprises sont créées et
réunies au sein d'une même maison mère, la SNCF :
à SNCF Mobilités, l'exploitation des trains de voyageurs et de
marchandises.
à SNCF Réseau, la maintenance, l'entretien et la construction de
nouvelles lignes ferroviaires et la gestion de la circulation de tous les
trains empruntant le réseau ferré national.
La genèse de la ligne ferroviaire de Dijon à Mulhouse
Dès 1839, le Conseil général du Doubs accorde une première subvention pour
l'étude d'une ligne ferroviaire entre Dijon et Mulhouse passant par le
département.
La Charte des chemins de fer du 11 juin 1842 précise les grands axes
ferroviaires que l'État souhaite voir se réaliser et notamment celui de la
Méditerranée au Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse.
C'est dans ce contexte que deux ingénieurs des Ponts et Chaussées, Alexis
Legrand et Auguste Parandier, sont chargés d'étudier le tracé. Deux solutions
sont proposées pour traverser la Franche-Comté :
par la Vallée de l'Ognon via Besançon, Villersexel et Belfort ;
par la Vallée du Doubs via Besançon, Baume-les-Dames, Montbéliard et Belfort.
Deux tracés, deux vallées, deux départements, deux pôles économiques : la
Haute-Saône contre le Doubs, les maîtres de forges de Haute-Saône contre les
industriels du pays de Montbéliard, les puissantes familles de Moustier contre
les Japy et les Peugeot. Bien que le passage par Besançon est prévu dans les
deux projets, celui de la Vallée du Doubs est également soutenu par les
banquiers bisontins Veil-Picard, Jacquard et Lipmann (qui créa plus tard les
célèbres montres Lip) qui possèdent d'importants intérêts économiques et
industriels dans le bassin du Doubs.
Cette bataille politique et financière est aussi attisée par la rivalité pour
l'obtention de la concession entre la Compagnie des chemins de fer de
l'Est et la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la
Méditerranée (PLM). Il faut dire que la construction de cette nouvelle ligne
revêt un caractère indispensable pour raccorder l'Alsace au Lyonnais et relier
l'est de la France au sud.
En 1845, le Comité national de fortification impose le tracé par la Vallée de
l'Ognon. L'invasion de la France en 1814 par la Suisse par le feld-maréchal
autrichien Karl Philipp de Schwarzenberg, et qui sonna le glas de Napoléon,
reste très présente dans les esprits. Par conséquent, les stratèges militaires
privilégient une construction le plus à l'ouest possible de la région pour
préserver la ligne ferroviaire de toute nouvelle incursion ennemie. Ou, au pire,
pour permettre à l'armée de réagir avant que ce nouveau moyen de communication
sensible puisse tomber entre de mauvaises mains.
Et, le 21 juin 1846, le roi Louis-Philippe Ier signe la loi qui
autorise le Ministre des travaux publics à procéder à la concession du chemin de
fer de Dijon à Mulhouse. Le tracé prévoit de passer par les villes d'Auxonne,
Dole, Besançon, Villersexel, Belfort, Dannemarie et Altkirch avec deux
embranchements, d'Auxonne à Gray et de Dole à Salins-les-Bains.
Cependant, suite à l'instabilité politique régnant en France à cette époque,
aucune compagnie ne se porte acquéreur de la concession. Ce n'est que le
12 février 1852 que Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III,
paraphe le décret cédant la concession pour la réalisation de la section entre
Dijon et Besançon via Auxonne à la Compagnie du chemin de fer de Dijon à
Besançon. Officiellement fondée le 11 septembre 1852, on y retrouve associés
de nombreuses personnalités franc-comtoises, telles :
les banquiers Pierre Amet, Antoine Bretillot, Édouard Gérard, Pierre
Jacquard, Sébastien Mairot et Aaron Veil-Picard ;
les industriels Auguste Bouchot, Pierre Deprez, Claude Outhenin-Chalandre
(des papeteries Outhenin-Chalandre, qui créèrent une usine à Deluz en
1875), Jacques Papillon, Louis Robbe, Louis de Vaulchier et Joseph
Zeltner.
Lors de la séance du 20 août 1852, le Conseil général du Doubs tente à nouveau
sa chance et demande une révision du tracé originel par la Vallée de l'Ognon
pour la seconde partie du trajet entre Besançon et Mulhouse. Il appelle de ses
vœux la réalisation entière de la ligne ferroviaire, mais en passant par la
Vallée du Doubs qui lui semble « satisfaire les intérêts généraux et
ceux de plusieurs localités importantes ».
Le 17 août 1853, la persévérance porte ses fruits. Un décret impérial, signé par
le désormais Napoléon III, approuve la construction de la section entre Besançon
et Mulhouse en passant par la Vallée du Doubs via les villes de Baume-les-Dames,
Clerval, L'Isle-sur-le-Doubs, Montbéliard et Belfort. La concession est
attribuée à la désormais Compagnie du chemin de fer de Dijon à Besançon et de
Besançon à Belfort.
Tampon apposé sur le courrier
posté à la gare de Laissey.
Malheureusement, les aléas financiers du krach boursier de 1847 dus à la bulle
spéculative sur le chemin de fer et les différents changements de régimes
politiques suite à la Révolution française de 1848 ne permettent pas à la
compagnie de lever des fonds et d'obtenir les moyens de ses ambitions. Le 20
avril 1854, par décret impérial, les deux concessions sont fusionnées et
attribuées à la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon (future
Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée). Les
actionnaires ne sont cependant pas lésés et reçoivent 25 000 actions du
nouveau concessionnaire.
Mais, pourquoi ce revirement de situation en faveur de la Vallée du Doubs ? Tout
simplement par la suite d'une mutation technologique. Le procédé de
transformation du minerai de fer des maîtres de forges de Haute-Saône est
artisanal et devient rapidement obsolète. Il est remplacé par des méthodes plus
modernes et économiques développées notamment en Lorraine.
Dès 1846, la Vallée de l'Ognon subit de plein fouet la concurrence féroce de la
fonte produite en Meurthe-et-Moselle par réduction du minerai de fer dans des
hauts fourneaux à coke. La déconfiture haute-saônoise se précipite et en 1851,
c'est la déroute économique.
En revanche, les industriels de la Vallée du Doubs, partis avec retard, prennent
de plus en plus de poids économique dans la région, grâce notamment à des
activités très diversifiées et plus technologiques : métallurgies,
papeteries, textiles, ... De plus, la grande force motrice du Doubs comparée à
celle de l'Ognon permet d'entraîner de puissantes machines et facilite la
construction de grands ensembles manufacturiers.
160 ans plus tard, la Haute-Saône a désormais sa ligne à grande vitesse, qui
suit à peu de chose près le tracé de 1846. Mais, elle n'en profite nullement,
aucune gare n'étant présente sur son territoire. Les inconvénients sans les
avantages...
La construction de la ligne ferroviaire
Dès l'obtention de la concession en 1854, la Compagnie des Chemins de fer de
Paris à Lyon poursuit les travaux entrepris dès 1852 par la défunte
Compagnie du chemin de fer de Dijon à Besançon et de Besançon à Belfort.
Elle met rapidement ses équipes en action, très expérimentées, et qui sont en
cours d'achèvement de la ligne Paris à Lyon. Pour la construction des bâtiments
et des ouvrages d'art, elle réutilise les plans de ses précédentes réalisations.
Ainsi, les gares, les halles à marchandises et les maisons de garde-barrière
seront toutes bâties selon les mêmes modèles, dits de style PLM, qui plus est
modulaires. Par exemple, pour construire une gare importante, on accole deux ou
trois gares de taille normale.
La section de Dijon à Dole est ouverte à la circulation des trains le 25 juin
1855, celle de Dole à Besançon le 7 avril 1856 et celle de Besançon à
Belfort, par la Vallée du Doubs, le 1er juin 1858. L'inauguration
officielle s'effectua début mai 1858 par un train spécial avec à son bord le
Maréchal François Certain de Canrobert. Le convoi partit de Belfort à neuf
heures du matin pour rejoindre Besançon faisant de nombreuses haltes tout au
long du parcours aux cris de « Vive l'Empereur !
Vive Canrobert ! ».
Considérant les moyens techniques de l'époque, les travaux se sont rapidement
déroulés. Il ne fallut en effet que six années pour lancer les études, trouver
les financements et construire la ligne longue de 141 km alors que, par
comparaison, la construction de la ligne LGV Rhin-Rhône a duré trois ans pour
une longueur de 137 km. Et, si l'on intègre les études, il faut compter
sept ans au total (de 2004 à 2011) ! Mais, il est vrai qu'à cette époque, on ne
se préoccupait guère d'environnement ou de diagnostics archéologiques... Sans
compter les procédures d'expropriation et les nombreux recours des riverains et
des associations.
La construction de la ligne modifia profondément le paysage et scinda de
nombreux villages en deux parties, à l'image de Deluz. A Laissey, le Quartier du
Maroc n'existant pas encore, le village est relativement préservé des
destructions et des désagréments. La ligne ferroviaire évite le plus possible
les habitations en étant bâtie sur les hauteurs du village. Seul un manoir se
trouvant à l'emplacement de l'ancien passage à niveau, au centre du bourg, et
appartenant à la famille Simon est détruit. Au lieu-dit Tremont, on découvrit
également deux sépultures du haut Moyen Âge avec des armes burgondes.
Dans la Vallée du Doubs, les travaux s'effectuent concomitamment avec ceux de
navigabilité du Doubs, notamment la construction du canal du Rhône au Rhin puis
sa mise au gabarit Freycinet, et ceux de modernisation des axes routiers.
Ces deux nouveaux moyens de transport, ferroviaire et fluvial, permettent
l'implantation dans tous les villages de nombreuses entreprises métallurgiques,
textiles, papetières, ... et propulsent la vallée dans l'ère de la révolution
industrielle. Elle va vivre ainsi un véritable âge d'or pendant près d'un
siècle. Au détriment d'autres parties du département qui resteront profondément
rurales et qui, pour certaines, verront leur influence s'estomper.
Ainsi, dans la première partie du XIXème siècle, le village de
Roulans est un important relais de poste sur la route de Strasbourg à Lyon. Les
trois auberges accueillent alors une centaine de chevaux chaque jour dans leurs
vastes écuries. En 1842, le maître de poste Mathiot a l'obligation de tenir en
permanence dix chevaux frais à disposition pour les diligences. L'arrivée du
chemin de fer à Laissey provoque le déclin rapide de Roulans.
De 700 habitants en 1846, le village passe à 435 en 1876. Alors que la
population de Laissey double quasiment dans la même période. Les écuries ne
voient alors plus que deux chevaux par mois...
Le Général Bourbaki et la double voies
Bien que le cahier des charges de la concession stipulait la réalisation d'une
ligne à double voies, seule une voie unique fut construite avec des voies
d'évitement dans certaines gares pour permettre le croisement des trains. Les
travaux de dédoublement sont cependant engagés sur certaines sections, les plus
faciles, et sont terminés :
le 30 novembre 1862 pour la section de Dijon à Magny-Fauverney ;
le 18 mai 1863 pour la section de Magny-Fauverney à Auxonne ;
le 8 novembre 1863 pour la section de Auxonne à Dole ;
le 8 mai 1864 pour la section de Franois à Besançon.
Dédoubler la voie dans la Vallée du Doubs, très encaissée, pose de sérieux
problèmes techniques, de nombreuses falaises devant être rabotées et certains
ouvrages d'art, comme les tunnels, reconstruits. Et, par conséquent, impose un
investissement financier très important alors que les travaux de construction de
la ligne existante ne sont pas encore rentabilisés. Cependant, des événements
dramatiques vont faire prendre conscience de l'incongruité de la situation.
Le 19 juillet 1870, la guerre franco-prussienne éclate. Les troupes coalisées
allemandes avancent à une vitesse éclair, mettant en déroute l'Armée du Rhin
dans le nord de l'Alsace et prenant Strasbourg le 28 septembre. Le
3 novembre, ils sont aux portes de Belfort. La ville constitue alors le
dernier rempart avant une invasion du centre de la France.
Pour tenter de lever le siège de Belfort et venir en aide aux 15 000 hommes
du Colonel Pierre Denfert-Rochereau, reclus dans la ville, le Général
Charles-Denis Bourbaki forme l'Armée de l'Est afin de mener une
contre-offensive. Pour transporter hommes, munitions et ravitaillements sur le
nord de la Franche-Comté, près des zones de combat, la ligne ferroviaire est
mise à contribution. Malheureusement, du fait de la contrainte de la voie
unique, des dizaines de convois s'empilent les uns derrière les autres à la gare
de Clerval. Il est en effet impossible de refouler les trains vides vers
Besançon. Les troupes venues en renfort sont donc contraintes de terminer à pied
dans la neige et par un froid sibérien, l'hiver 1870-71 étant particulièrement
rude avec des températures de -20 °C la nuit.
Malgré une victoire à Villersexel, l'Armée de l'Est est incapable de poursuivre
les combats, ralenties par d'importantes difficultés de ravitaillement,
notamment en vivres. La voie unique entre Besançon et Belfort fut donc l'un des
facteurs de l'échec de Bourbaki, avec son excès de prudence dû à ses difficultés
à estimer la puissance de l'adversaire et la sienne.
Pire, lors de la bataille d'Héricourt, les soldats prussiens utilisent comme
abri naturel le remblai de la ligne de chemin de fer qui suit la petite rivière
de la Lizaine entre Montbéliard et Héricourt, infligeant une sévère défaite aux
soldats français se déplaçant à découvert.
Heureusement, la résistance du "Lion de Belfort" Denfert-Rochereau, de ses
hommes et de la population de la ville pendant 103 jours sauve le Territoire de
Belfort de l'annexion allemande subie par l'Alsace et la Lorraine.
On imagine sans peine la quantité de matériels ferroviaires qu'aurait pu
récupérer les Allemands sans cet acte héroïque. Au vu des événements, on peut
également noter que la volonté du Comité national de fortification d'imposer en
1845 le tracé par la Vallée de l'Ognon était peut-être économiquement illogique,
mais militairement justifiée...
Quoiqu'il en soit, la frontière avec l'Empire allemand s'étant rapprochée du
fait de l'annexion de l'Alsace-Lorraine, la mise en double voies de la section
de Besançon à Belfort devient éminemment et militairement prioritaire. Dès la
paix retrouvée et malgré le coût et les difficultés, les travaux sont rapidement
engagés et l'intégralité de la ligne est doublée en 1879 :
le 14 février 1876 pour la section de Dole à Franois ;
le 12 mars 1879 pour la section de Besançon à Belfort.
Lors de la Première Guerre mondiale, de nombreux groupes de protection furent
constitués tout au long de la ligne pour surveiller les installations
ferroviaires. Dans la majorité des cas, ce furent d'anciens militaires ou des
volontaires trop âgés pour partir au front.
Les différents travaux de modernisation
Un signal carré SNCF.
Hormis les travaux d'entretien courant, tels les changements réguliers des voies
ou des traverses en bois, une première modernisation de la ligne ferroviaire de
Dijon à Mulhouse a lieu dans les années 1930 avec la mise en place d'une
signalisation lumineuse unifiée, le code Verlant, inventé par le directeur
d'exploitation du PLM, Eugène Verlant.
Destiné à remplacer les signalisations existantes propres à chaque compagnie, le
novateur code Verlant a les objectifs suivants :
faciliter la circulation des trains entre les différents réseaux
(indispensable, comme l'a démontré la Première Guerre mondiale) ;
généraliser la signalisation lumineuse en lieu et place de la mécanique ;
utiliser des signaux lumineux basés sur trois couleurs facilement
distinguables : rouge (arrêt), jaune (ralentissement) et vert (voie
libre).
Adopté par l'ensemble des compagnies dès 1936, le code Verlant est toujours en
vigueur aujourd'hui. Le trio de couleurs a été repris par nombre de compagnies
étrangères ainsi que pour les signaux routiers. Bien que déjà utilisée, la
couleur blanche n'avait pas été retenue, car trop proche de l'éclairage public
et, par conséquent, source de confusions.
Mais, la plus grosse modernisation de la ligne intervient à la fin des années
1960 et se poursuit au début des années 1970 avec l'électrification de la ligne
entre Dole et Mulhouse en courant alternatif 25 kV - 50 Hz.
En projet dès 1957, elle est décidée en 1967 et est prétexte à de grands travaux
d'amélioration à partir de mars 1968, assimilables à une reconstruction
totale de la ligne :
la pose de la caténaire (poteaux et équipements électriques) ;
la construction de deux sous-stations électriques à Héricourt et à Douvot
alimentées par deux nouvelles lignes à haute tension spécifiques ;
le renouvellement de la plate-forme et des voies ;
le remplacement des traverses en bois par des traverses en béton ;
l'augmentation de l'entraxe des voies de 3,57 m à 3,62 m ;
le ripage des courbes et l'augmentation des dévers ;
la pose de filets d'alarme et de protections contre les chutes de
rochers ;
la modernisation des installations de sécurité et de télécommunication
avec, notamment, l'adoption d'un système de signalisation ferroviaire par
block automatique lumineux (BAL) ;
la mise au gabarit des ouvrages d'art pour le passage de la caténaire ;
la reconstruction et/ou l'allongement des quais à voyageurs dans certaines
gares ;
la suppression de passages à niveau par la création de déviations
routières ou par la construction de passages souterrains ou de ponts ;
l'équipement des passages à niveau maintenus par une signalisation
automatique lumineuse qui, de fait, met fin à l'emploi des
garde-barrières.
De tous les ouvrages d'art à modifier, ce sont les quinze tunnels que compte la
ligne qui posèrent le plus de problèmes pour le passage de la caténaire. Afin
d'éviter une explosion du budget, la solution majoritairement préférée fut
l'abaissement de la plate-forme des voies plutôt qu'une reconstruction des
voûtes.
Fait le plus important, l'ensemble de ces travaux a été effectué sans aucune
coupure de la ligne ferroviaire. Bien que fortement ralentie, la circulation des
trains s'effectua en troncs communs. Seule une partie du trafic marchandises fut
détournée via Is-sur-Tille et Nancy.
Les sections électrifiées furent progressivement mises en service durant l'année
1970 :
le 10 septembre 1970 entre Mulhouse et Montbéliard (66 km) ;
le 24 septembre 1970 entre Besançon et Dole (45 km) ;
le 10 décembre 1970 entre Montbéliard et Besançon (78 km).
Quant au tronçon entre Dijon et Dole (46 km), il était déjà électrifié
depuis le 19 décembre 1956, mais en courant continu 1500 volts.
Outre une amélioration générale du confort des voyageurs, ces travaux permirent
une augmentation significative des vitesses limites de circulation sur la
ligne : 110 km/h entre Montbéliard et Pompierre, 90 km/h entre
Pompierre et Deluz, 120 km/h entre Deluz et Chalezeule et 160 km/h
entre Besançon et Dole. Les trains express gagnèrent ainsi une vingtaine de
minutes entre Mulhouse et Besançon.
Aussi étonnant que cela puisse paraître et ce, malgré son importance, la ligne
Dijon - Mulhouse fut l'une des dernières à être électrifiée en France. En effet,
dès la fin des années 1960, le nombre de locomotives à vapeur en circulation se
réduit chaque jour, supplantées par les locomotives diesels et surtout
électriques. Dès 1972, les régions SNCF Nord et Ouest éliminent totalement la
traction vapeur et le dernier convoi commercial avec ce mode de propulsion a
lieu le 29 mars 1974 entre Béning-lès-Saint-Avold et Sarreguemines,
assuré par la locomotive 141 R 420, une série mythique.
Une seconde vague de travaux de modernisation intervint à partir de la fin des
années 1990 et s'étendit sur une vingtaine d'années jusqu'en 2016. Elle fut
menée conjointement avec la réalisation de la LGV Rhin-Rhône. En effet, la ligne
ferroviaire Dijon - Mulhouse est la ligne de secours de la LGV. En cas
d'incident sur cette dernière, l'ensemble du trafic peut être redirigé vers la
ligne classique. Moins spectaculaire que celles des années 1960, les
améliorations portèrent sur :
la reconstruction de certains ouvrages d'art pour faire face à
l'accroissement des tonnages de fret transportés ;
le renouvellement des filets d'alarme et des protections contre les chutes
de rochers ;
la sécurisation de certaines falaises de la Vallée du Doubs (purges,
débroussaillage, pose de grillages et projection de béton) ;
l'amélioration des moyens de télécommunication avec notamment le
déploiement du standard GSM-R (Global System for Mobile
communications - Railways).
De novembre 2014 à juillet 2015, s'effectua la plus importante tranche de
travaux, mais également la plus coûteuse, qui consista :
au nettoyage des fossés et des pistes ;
à la pose de garde-corps afin d'assurer la sécurité du personnel ;
à la démolition des anciens quais des haltes désormais inutilisées ;
à la reconstruction de certains quais afin de les remettre aux normes de
circulation en vigueur ;
et, le plus spectaculaire, au remplacement de 88 km de voies entre
Belfort et Besançon.
D'un montant de 118 millions d'euros, celui qui fut le plus important
chantier ferroviaire de France à cette époque mobilisa 500 personnes de
Réseau Ferré de France et d'entreprises privées. Au total, ce furent
186 kilomètres de rails, 148 000 traverses monobloc en béton et
160 000 tonnes de ballast qui ont été renouvelés en seulement neuf
mois à raison d'un kilomètre par jour à l'aide d'un impressionnant train de
substitution permettant le remplacement en continu des traverses et des rails.
Si la circulation des trains fut grandement impactée, ce fut également le cas
de la circulation routière, car vingt-huit passages à niveau furent
partiellement ou complètement fermés.
Signe des temps, ces travaux ont été essentiellement réalisés de nuit pour
éviter au maximum les perturbations du trafic. Et ce, au détriment du sommeil
des riverains !
Enfin, une dernière tranche débuta en juillet 2016 et dura quelques mois. Les
tunnels de Fourbanne, Hyèvre-Paroisse, Branne et la Prétière furent remis au
gabarit actuel afin de permettre la circulation des TGV Duplex (TGV à deux
étages) en cas d'incident sur la LGV Rhin-Rhône et d'assurer la continuité du
trafic entre Dijon et Mulhouse.
Pour éviter une reconstruction complète et coûteuse des tunnels, les travaux ont
consisté à abaisser la plate-forme des voies, à raboter les voûtes et à les
consolider à l'aide de béton projeté ou de voussoirs en béton armé.
Aujourd'hui, ce sont 48 trains par jour qui circulent sur la ligne de Belfort à
Besançon dont 31 de voyageurs, tous des TER (Transport Express Régional), les
trains grandes lignes étant désormais basculés sur la ligne LGV Rhin-Rhône.
La nouvelle vie de la gare de Laissey
En janvier 2020, des travaux de rénovation de la gare de Laissey débutent.
L'objectif est de permettre l'installation au rez-de-chaussée du bâtiment d'une
unité territoriale de l'Office National des Forêts (ONF).
Cette unité d'une dizaine de techniciens forestiers est issue du regroupement
des subdivisions de Bouclans et Roulans.
Cette reconversion bienvenue lui évite le triste sort de celle de Deluz qui fut
démolie en juin 2008.
Les caractéristiques techniques de la ligne ferroviaire
Tracé de la ligne de Dijon à Belfort
Longueur totale :
235,663 km
Écartement :
voie normale (1,435 m)
Électrification :
1500 V continu de Dijon à Dole et 25 kV – 50 Hz de Dole à Mulhouse
Signalisation :
BAL (Block Automatique Lumineux)
Cliquez pour agrandir le plan.
Profil de la ligne de Dijon à Belfort
Altitude minimale :
188 m à Auxonne
Altitude maximale :
358 m à Belfort
Amplitude :
170 m
Pente ou rampe maximale :
7 ‰
Cliquez pour agrandir le schéma.
Liste des ouvrages d'art de Dijon à Besançon
repère*
description
longueur
-
pont sur l'Ouche n° 1
19 m
-
pont sur l'Ouche n° 2
32 m
-
pont sur la Norges
28 m
V1
pont sur la Tille
-
-
décharge de la Saône
70 m
-
décharge de la Saône
17 m
-
décharge de la Saône
28 m
-
décharge de la Saône
16 m
V2
viaduc de la Saône ou viaduc d'Auxonne
149 m
-
pertuis de la Saône
22 m
-
canal latéral à la Saône
19 m
-
pont sur l'A36
30 m
T1
tunnel de Champvans
861 m
Liste des ouvrages d'art de Besançon à Belfort
repère*
description
longueur
T2
tunnel de Chalezeule
1104 m
T3
tunnel de Laissey
36 m
-
viaduc de Fourbanne
18 m
T4
tunnel de Fourbanne
309 m
T5
tunnel de Champvans
571 m
T6
tunnel de Baume-les-Dames
558 m
T7
tunnel de Grange-Ravey n° 1
48 m
T8
tunnel de Grange-Ravey n° 2
42 m
T9
tunnel de Bois-la-Ville
252 m
T10
tunnel de Hyèvre-Paroisse
264 m
T11
passerelle d'Hyèvre
36 m
T12
tunnel de Branne
362 m
T13
tunnel de Clerval
102 m
-
pont sur le canal du Rhône au Rhin
19 m
V3
pont sur le Doubs
38 m
T14
tunnel de Rang
1162 m
-
pont sur le canal du Rhône au Rhin
19 m
V4
viaduc de Médière
-
T15
tunnel de la Prétière
300 m
V5
viaduc de la Prétière
-
-
pont sur le canal du Rhône au Rhin
15 m
V6
viaduc sur le Doubs
100 m
T16
tunnel de Montbéliard
535 m
-
pont sur le canal du Rhône au Rhin
16 m
V7
viaduc de l'Allan
56 m
Liste des ouvrages d'art de Belfort à Mulhouse
repère*
description
longueur
-
pont sur l'A36
40 m
-
pont sur la Savoureuse
25 m
-
pont sur la Bourbeuse
16 m
-
viaduc de Dannemarie ou viaduc de la Largue
450 m
-
viaduc de Ballersdorf
350 m
-
pont sur l'Ill
71 m
* : voir les repères des ouvrages d'art sur le plan de la ligne.
Les aléas d'exploitation
Hormis les désagréments causés par les grèves, la ligne ferroviaire de Dijon à
Mulhouse a connu peu d'incidents d'exploitation réellement graves depuis sa mise
en service à nos jours. C'est surtout le secteur entre Clerval et Deluz qui est
le plus accidentogène, le profil très encaissé de la Vallée du Doubs étant bien
souvent un facteur déclencheur ou aggravant. Heureusement et parfois
miraculeusement, les décès sont rarissimes et bien souvent, les conséquences se
limitent seulement à des retards ou des trains annulés.
Les incidents les plus fréquents sont :
des pannes de locomotives ;
des chutes de pierres ou de rochers ;
des boîtes d'essieux chaudes qui provoquent des débuts d'incendies et,
quelquefois, le déraillement d'un ou deux wagons ;
des véhicules en panne ou tombés sur la voie ;
des collisions avec des animaux sauvages ou fermiers errant sur la voie ;
et, à la grande époque des locomotives à vapeur, des incendies de
broussailles ou, plus rarement, de forêts dus aux escarbilles échappées
des cheminées.
Laissey possède également sur son territoire l'un des deux passages à niveau les
plus dangereux du département du Doubs avec celui d'Étalans. Il arrive parfois
qu'un véhicule se fasse surprendre par la configuration des lieux, notamment en
hiver.
Le vendredi 11 avril 1975, en début de soirée, un couple originaire de
Dammartin-les-Templiers y laissa la vie dans une collision entre un train de
voyageurs et leur voiture qui avait forcé le passage. Le véhicule avait été
traîné jusqu'au stade de foot quelques centaines de mètres plus loin, l'essence
répandue sur la voie causant un début d'incendie du train et provoquant la
panique des passagers. Scénario similaire le jeudi 8 juin 1989 qui verra la mort
d'un jeune automobiliste ayant slalomé entre les barrières en pleine nuit.
Le dernier accident en date à cet endroit s'est produit le jeudi 2 décembre
2010. Glissant sur une plaque de verglas en voulant s'arrêter au passage à
niveau dont les barrières se refermaient, une camionnette s'est retrouvée
immobilisée au milieu des voies et a été percutée par un TGV. L'automobiliste,
qui n'avait pas eu le temps de sortir du véhicule, s'en est tiré sans aucune
blessure.
Par leurs caractères impressionnants ou dramatiques, d'autres événements
marquèrent durablement les esprits.
Liste des événements au cours du XIXème siècle
date et lieu
type d'incident
6 novembre 1862
-
gare de Laissey
le chef de gare Honoré Hébert (né le 09/06/1824 à Paris) est
assassiné par le facteur de la gare Charles Mathiot (né en 1835 à
Autechaux-les-Blamont, Doubs) ;
deux morts, la victime et le meurtrier, qui s'est suicidé après
son méfait ;
c'est un acte de vengeance terrible suite à la demande du chef de
gare de sanctionner disciplinairement le facteur pour son
laisser-aller dans son travail.
mars 1891
-
Laissey
un incendie de forêt, certainement dû à des braises incandescentes
projetées par un train à vapeur, se déclenche sur le mont Souvance ;
cinq hectares de bois sont perdus ;
la commune doit rembourser à l'aubergiste Clément Palantin la note
de 22,40 francs correspondant aux boissons (essentiellement
du vin !) qu'il avait livré aux habitants assoiffés qui s'étaient
portés spontanément en aide à l'extinction du feu.
Liste des événements au cours du XXème siècle
date et lieu
type d'incident
10 septembre 1911
-
Laissey,
Mont Souvance
des braises incandescentes projetées par l'express
Besançon - Belfort de 12H30 provoquent un incendie de forêt
sur le Mont Souvance ;
22 ha 16 de végétation seront entièrement détruits ;
la compagnie du PLM paya à la commune 2750 frs de dommages et
intérêts en compensation d'une perte estimée à 21 années
d'exploitation forestière. Cette indemnisation se révèlera bien
faible eu égard au temps de renouvellement de la végétation.
9 octobre 1911
-
Fourbanne
l'éboulement d'un rocher et le non respect de la signalisation
provoque une collision entre deux trains de marchandises ;
le démontage de la voie ferrée par l'équipe d'entretien sans
respecter les consignes de sécurité aboutit au déraillement
d'un train transportant des militaires ;
c'est le plus grave accident que la ligne ferroviaire de Dijon à
Mulhouse ait jamais connu : huit morts, quarante blessés graves et
de nombreux blessés légers.
la saturation de la couche marneuse due aux pluies abondantes
du mois précédent provoque un glissement de terrain ;
trois maisons détruites, la ligne ferroviaire et la route
départementale de Deluz à Laissey emportées, arrêt de la
navigation, le chenal étant obstrué.
le non respect de la signalisation routière aboutit à une
collision entre une voiture et un train de voyageurs au
passage à niveau ;
deux morts.
8 juin 1989
-
Laissey
un automobiliste de 24 ans faisant fi des barrières fermées du
passage à niveau est percuté par un train de marchandises en
pleine nuit. Sa voiture est traînée sur plus de 600 mètres ;
un mort.
Liste des événements au cours du XXIème siècle
date et lieu
type d'incident
19 mars 2005
-
Laissey
un bus scolaire manœuvrant sous le pont ferroviaire reliant le
"bas" et le "haut" du village et ayant subitement pris feu
dégrade fortement le tablier ;
plusieurs mois de travaux de rénovation du pont, dont une première
phase de désamiantage.
2 décembre 2011
-
Laissey
une camionnette glisse sur une plaque de verglas et ne peut
s'arrêter au passage à niveau dont les barrières se sont
refermées. Un TGV circulant dans le sens Strasbourg-Lyon ne peut
l'éviter.
l'automobiliste, qui n'avait pas eu le temps de sortir du
véhicule, s'en tire miraculeusement sans blessures ;
aucun blessé également parmi les 240 passagers du TGV ;
le train reprend sa route en direction de Lyon après quelques
heures d'immobilisation.
25 juin 2016
-
entre L'Isle-sur-le-Doubs et Clerval
suite à des pluies diluviennes dans la nuit, l'infrastructure
ferroviaire entre L'Isle-sur-le-Doubs et Clerval est lourdement
endommagée par une coulée de boue et l'inondation du tunnel de
Rang ;
le trafic est totalement interrompu pendant deux jours avant de
reprendre de manière dégradée et sur une seule voie au niveau de
la portion détériorée ;
2 000 m3 de terre sont évacués ;
la circulation normale des trains reprit le 14 juillet.
16 octobre 2011
-
entre Deluz et Laissey
une voiture quitte le chemin de Tremont et tombe sur la voie entre
Deluz et Laissey.
le trafic est totalement interrompu pendant plusieurs heures avant
de reprendre de manière dégradée sur une seule voie puis en
totalité en fin d'après-midi ;
deux blessés légers.
La collision entre deux trains de marchandises du 9 octobre 1911
Le lundi 9 octobre 1911, vers deux heures du matin, un train de marchandises
s'arrête à hauteur des grottes de Fourbanne afin d'éviter un rocher de
300 kilos environ tombé sur la voie. Dix minutes plus tard, un second train
de marchandises qui suit le premier ne respecte pas la signalisation d'arrêt et
vient le percuter. Quinze wagons seront réduits en miettes sous la violence du
choc. De l'enchevêtrement de ferrailles et de bois, on retirera un mort et un
blessé grave qui décédera peu après, les deux chefs de bord.
Il fallut plusieurs jours de dur labeur aux cheminots pour rétablir la
circulation des trains dans les deux sens. Les dégâts matériels s'élèveront à
500 000 francs.
Cet accident est surtout connu pour sa série de cartes postales et cartes photos
très prisées des collectionneurs et parfois vendues plus de cent euros pièce par
les revendeurs spécialisés.
Le déraillement d'un train de voyageurs du 11 avril 1930
Un dramatique déraillement d'un train de voyageurs eut lieu à Laissey dans la
matinée du vendredi 11 avril 1930, entre le tunnel ferroviaire et le
passage à niveau actuels. Il fit huit morts, quarante blessés graves et de
nombreux blessés légers. Ce fut le plus grave accident que la ligne ferroviaire
de Dijon à Mulhouse ait jamais connu.
L'article de presse, reproduit ci-dessous, relate les faits.
Huit morts à Laissey
Ignorant le passage du convoi, une équipe d'entretien avait
entrepris de changer... les traverses de la voie !
Le 11 avril 1930 à 09H05, M. Billaud assisté du chauffeur Chatêt (les deux
de Besançon), aux commandes de sa locomotive, emmène un convoi de
34 wagons, 580 tonnes, lancé a 60 km/h. Des réservistes du
35ème R.I. de Belfort, du 152ème R.I. de Colmar et du
4ème B.C.P. de Neuf-Brisach rentrent à la maison après une
période d'instruction au camp de Valdahon.
A 200 mètres de la gare de Laissey, côté Belfort, une courbe assez
prononcée et un tunnel : c'est là que le train fonce vers la voie
dépourvue de rails. La machine se couche, arrache le ballast avant
de s'écraser contre la muraille. Les wagons en bois s'encastrent les
uns dans les autres et éclatent comme des boîtes d'allumettes.
Vision de cauchemar. Très vite on dégage huit morts et des dizaines de
blessés graves : toutes les victimes appartiennent au
4ème B.C.P. Les cadavres sont alignés sur le ballast et les
blessés, une quarantaine, souvent mutilés, reçoivent les premiers soins
des officiers et hommes de troupes sortis indemnes des wagons de queue
intacts.
Les obsèques seront célébrées le 14 avril à Besançon dans la chapelle de
l'hôpital Saint-Jacques. Toute la ville porte le deuil. M. Georges Pernot,
député du Doubs et ministre des Travaux Publics, sera présent aux côtés du
Maréchal Pétain et du Cardinal Binet.
Le Petit Parisien du samedi 12 avril 1930
Cet autre article de presse rend compte du jugement prononcé par le Tribunal du
Doubs le 28 juillet 1930. On notera la célérité de l'enquête, mais aussi que
toutes les responsabilités n'ont pas été clairement établies. Notamment si le
conducteur du train avait ou non connaissance de ces travaux sur sa feuille de
service ou si l'équipe d'entretien avait bien été prévenue du passage de ce
convoi.
L'accident de chemin de fer de Laissey
Besançon, 28 juillet.
Le Tribunal du Doubs a rendu son jugement dans l'affaire de l'accident de
chemin de fer de Laissey.
Le cantonnier Cappi a été condamné à six mois de prison et 300 francs
d'amende pour avoir, par l'inobservation du règlement, provoqué le
déraillement du train militaire.
Le cantonnier-chef Puncet, qui n'aurait pas dû confier la surveillance des
travaux au cantonnier Cappi s'il avait respecté les instructions
données, a été condamné à un mois de prison et à 100 francs d'amende.
L'Avenir du Plateau central du mardi 29 juillet 1930
Tout le monde loua le dévouement des Laisséens pour venir en aide aux blessés.
Une chanson relatant l'événement fut même composée par un auteur désormais
inconnu.
Quand ils quittèrent le camp du Valdahon,
nos braves réservistes
ne pensaient pas à ces heures si tristes
en gare de Besançon.
Le cœur joyeux chantant de gaies chansons,
pour eux, c'était la fête.
Car, ils n'avaient qu'une seule folie en tête,
c'était la libération.
Joyeux ils étaient partis.
Soudain, de grands cris.
C'est le train qui déraille.
Ils sont tous entassés,
des corps sont broyés
par de lourdes ferrailles.
Pauvres enfants meurtris,
du destin maudit
vous êtes les victimes.
Il faut que la compagnie paie ce crime.
Auteur inconnu
Malheureusement, le temps a fait son office et peu de personnes se souviennent
de cet événement. Seuls restent quelques rares témoignages écrits, tel celui
ci-dessous.
Oui, j'ai vu les malheureux réservistes mutilés, la tête enlevée, le ventre ouvert, bras et jambe
tombés, un la pipe enfoncée dans la gorge, mort en l'apportant du train.
Hélas, quelles choses j'ai vues ! J'ai été malade, comme beaucoup d'autres. J'ai rendu mon dîner.
C'était à cent mètres de la maison où nous étions entrain de déménager. Quel remument (sic)
ces cris désespérés.
Les autos de tout côté arrivaient, les femmes, les parents, tout le village était transformé en hôpital
et tous les gens des usines étaient infirmiers. Couverts par une paillasse et de l'eau de vie : c'est
ce qu'ils ont bu avant de mourir les pauvres malheureux.
Témoignage anonyme
En hommage aux victimes et aux secouristes, une plaque commémorative a été
apposée sur la gare le samedi 14 avril 2007 lors d'une cérémonie
officielle.
Le glissement de terrain du 5 juillet 1969
Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1969, un événement spectaculaire se produit à
Deluz : un glissement de terrain au lieu-dit Sous-Roches qui transforme
définitivement la géographie du lieu. Dans la matinée du samedi 5, la maison du
garde-barrière se désagrège petit à petit et la route se fissure et avance
lentement dans le lit du Doubs. La voie ferrée se soulève sans se disloquer. La
circulation ferroviaire sera rétablie le 12 juillet.
L'éboulement du 11 janvier 1973
Dans l'après-midi du jeudi 11 janvier 1973, alors qu'un train de voyageurs
vient de passer, un important éboulement de rochers détachés de la falaise a
lieu à Laissey, entre le tunnel ferroviaire et le passage à niveau actuels. Par
chance, aucune victime n'est à déplorer. Coïncidence : il a lieu au même endroit
que l'accident du 11 avril 1930.
Cet éboulement a pour origine les gels et dégels dus au froid de la période
hivernale et à des infiltrations d'eau consécutives à des chutes de pluie
survenues quelques jours avant l'incident. Outre le blocage total de la
circulation des trains, ces éboulis bloquèrent également la route de Roulans.
Conjugués à la crue du Doubs qui rendit les routes de Douvot et de Deluz
impraticables, car inondées, il ne restait plus qu'un seul chemin d'accès au
village : la route de Champlive. Il fallait donc faire un grand détour par
Besançon ou Baume-les-Dames pour rejoindre Champlive puis Laissey.
Le jeudi 23 novembre 1972, un premier rocher était déjà tombé au même endroit,
prémices de la dégradation de la falaise. Ce qui valut une condamnation de
Laissey à rembourser la somme de 127 319,42 frs à la SNCF au motif que
le rocher provenait d'un terrain appartenant à la commune. Aussi saugrenu que
cela puisse paraître, le jugement fut définitivement validé par le Conseil
d'État le 4 juillet 1980. Et, cette décision fait aujourd'hui toujours
jurisprudence et continue d'être utilisée par la SNCF pour se faire rembourser
les dégâts occasionnés dans des situations similaires.